Dans l’apprentissage d’une langue étrangère, il y a un instant unique dont on se souvient généralement très bien et qui ne sera égalé par aucun autre en intensité : le début. Ces premières heures passées en compagnie d’une nouvelle langue étrangère ont un statut à part, au point d’être souvent sacralisées. Le commencement étant d’une immense importance, on cherche trop souvent à le faire coïncider avec un « bon moment » qui n’arrivera jamais.
La procrastination, le retour
Cet article abordera évidemment la question de la procrastination appliquée aux langues étrangères, thématique déjà abordée dans un précédent billet. Nous avons vu dans ce dernier comment combattre la procrastination au quotidien.
A la recherche d’un moment idéal
Penchons-nous à présent sur un problème analogue : l’attente d’un moment idéal pour commencer l’apprentissage d’une langue, moment idéal qui semble ne jamais venir. Combien de fois ai-je entendu les diverses variantes du discours suivant ? « J’aimerais bien me mettre à l’anglais, mais pas maintenant, j’ai trop de choses à faire. J’attends le bon moment, le mois prochain, par exemple ! »
Malheureusement, dans 90 % des cas, ce « bon moment » n’arrivera ni le mois prochain, ni le suivant, ni celui d’après. Autrement dit, si vous attendez constamment l’instant parfait pour apprendre une langue étrangère, il y a de fortes chances pour que ce soit en vain, car il ne viendra pas tout seul
L’attente, votre pire ennemie
Quelles sont les principales causes d’échec dans l’apprentissage d’une langue étrangère ? En simplifiant à l’extrême, on pourrait en trouver deux : abandonner en cours de route et… ne pas commencer.
De multiples raisons peuvent amener une personne à laisser tomber un projet déjà entamé : une mauvaise planification, un manque de régularité ou encore une baisse de motivation. Ces écueils doivent bien sûr être évités pour ne pas faire tomber un beau projet à l’eau.
Cela étant dit, les problèmes évoqués plus haut ne forment que la partie émergée de l’iceberg. Ils sont bien visibles et retiennent donc toute notre attention. Cependant, dans une grande majorité de cas, la réelle cause d’échec est tout simplement le fait de ne pas commencer.
N’attendez pas le « bon moment », créez-le
Nous sommes d’éternels insatisfaits
Sauf si vous avez l’habitude de tout planifier d’une main de maître, je présume qu’à l’heure actuelle, vous n’êtes pas satisfait des conditions dans lesquelles vous risquez d’apprendre la langue de votre choix : pas assez de temps, de calme, de matériel, de personnes avec qui parler… Vous êtes donc logiquement tenté d’attendre que les choses s’arrangent.
C’est tout à fait compréhensible, mais vous êtes sur le point de tomber dans un piège que vous vous êtes vous-même tendu sans le savoir. A moins que votre vie ne soit sur le point de changer du tout au tout, il y a peu de chances pour que les conditions deviennent plus favorables à votre projet dans les semaines et mois à venir.
Face à cette évidence, il ne vous reste guère que deux solutions : faire avec et vous organiser avec les moyens à votre disposition ou améliorer votre quotidien pour le rendre plus propice à l’apprentissage d’une langue. Mieux, vous pouvez opter pour un mélange de ces deux recours, soit une bonne dose de pragmatisme allié à quelques changements salutaires dans votre mode de vie.
N’oubliez jamais que l’être humain est par nature un éternel insatisfait. Résistez à cette tendance et vous vous vous apercevrez vite que votre quotidien regorge d’occasions d’apprendre une langue étrangère.
Laissez tomber votre perfectionnisme
Si vous êtes comme moi, vous souffrez probablement de perfectionnisme aigu. A vos yeux, les choses ne valent pas la peine d’être faites si ce n’est à la perfection et vous préférez donc remettre la réalisation d’une tâche à plus tard plutôt que de la bâcler.
Si l’intention est louable, le résultat est presque toujours le même : vous n’agissez pas. En l’occurrence, vous restez au point zéro de la connaissance de la langue. Croyez-moi, je parle d’expérience. Lors de mes nombreuses tentatives d’apprendre le japonais, je me suis plusieurs fois surpris à me dire : « Si j’avais réussi à m’y mettre plus tôt au lieu de procrastiner, je parlerais déjà bien japonais ! ». Le raisonnement était tenable, mais aussi… complètement destructeur pour mon moral.
Dans le domaine des langues comme partout ailleurs, la perfection n’existe pas et sûrement pas durant les premiers stades de votre apprentissage. Votre projet vous offre un droit à l’erreur dont vous aurez rarement l’occasion de profiter dans les autres aspects de votre vie. Pourquoi ne pas en faire usage, pour une fois ?
Arrêtez de vous encombrer l’esprit
L’attente du « bon moment » est le symptôme d’un état de crispation, dans lequel vous préférez rester dans une situation de perpétuelle attente plutôt que de vous jeter à l’eau et passer à l’action. Cet immobilisme est bien souvent le fruit de peurs internalisées qui vous font considérer votre situation sous cet angle : si vous agissez, vous risquez de connaître un échec cuisant et de perdre plus que ce que vous aviez à votre point de départ.
Ces peurs peuvent revêtir différents visages qui dépendront de votre personnalité et de votre parcours : peur de ne pas réussir à atteindre un niveau suffisant dans votre langue cible, de perdre votre motivation, de ne jamais trouver de temps libre, d’avoir un accent médiocre, etc.
Finalement, ce sont autant de visages que revêt un ennemi bien connu, la peur de l’échec. L’attente du « bon moment » résulte donc de l’état d’esprit suivant : vous partez du principe que dans les conditions actuelles, vous n’avez aucune chance de mener à bien votre projet.
Cette idée finit par vous paralyser et se transforme en prophétie auto-réalisatrice : vous jetez l’éponge avant même d’essayer. Ne pas agir reste le plus sûr moyen d’échouer.
Pour vous remettre sur les bons rails, faites le ménage dans votre vie et débarrassez-vous de toutes ces objections. Elles ne sont guère plus qu’une perte de temps.
Comment laisser tomber l’obsession du « bon moment » et passer à l’action
Maintenant que nous avons déconstruit les mécanismes qui vous amènent à repousser sans arrêt le début de votre apprentissage, voyons comme adopter le bon état d’esprit et concrétiser enfin votre projet.
Au lieu de repousser le début de votre apprentissage, préparez-le
Il existe une nuance importante entre ces deux procédés. Dans les deux cas, vous choisissez de ne pas passer tout de suite à l’action. Cependant, dans le premier cas, vous repoussez l’échéance avec de faibles chances de réussite à l’arrivée. Dans le second, vous prenez le temps de vous fixer des objectifs et de réfléchir aux modalités de votre apprentissage. En d’autres termes : procrastination contre planification.
Si je vous recommande de faire preuve d’un peu de patience, c’est pour une raison très simple : en fonçant tête baissée, vous risquez de vous retrouver dans une situation qui ne vous convient pas, par exemple en achetant une méthode chère qui vous déplaît ou en vous inscrivant à un cours aux horaires contraignants.
En assurant ce travail de planification, vous serez sûr de commencer à apprendre une langue dans les meilleures conditions et réduirez par là même le risque d’abandon. Si jamais vous avez commencé votre projet sur un coup de tête, ce qui m’est déjà arrivé, il est toujours possible de faire cette préparation a posteriori, mais n’attendez pas trop non plus.
Remplacez vos peurs par un désir d’agir
Voici un levier aussi puissant que simple à mettre en place. Au lieu d’avoir le crâne rempli de peurs qui vous paralysent, pourquoi ne pas remplacer ces dernières par une irrésistible envie d’apprendre ?
Pour ce faire, rien de plus simple : dressez une liste de toutes les raisons qui vous poussent à découvrir votre langue cible. Surtout, veillez à ce que ces raisons soient très personnelles. Par exemple, « réussir cet entretien d’embauche en anglais » n’est pas une motivation personnelle, tout au plus une contrainte imposée de l’extérieur. En revanche, « décrocher ce poste qui me permettra de vivre dans une ville étrangère que j’adore » est déjà plus intéressant. Soyez égoïste ! Après tout, c’est vous qui allez apprendre cette langue, pas une autre personne.
Ensuite, créez-vous un réel besoin de passer à l’action. Quand vous mourrez de faim, vous n’hésitez pas très longtemps à aller chercher à manger, n’est-ce pas ? Ici, c’est pareil. Vous devez vous créer un besoin pressant qui ne pourra être satisfait que si vous démarrez l’étude de votre langue cible. De cette manière, vous vous rendrez aveugle aux peurs et objections qui autrement vous auraient bloqué. Oublier d’avoir peur, plutôt efficace comme technique, pas vrai ?
Créez un environnement motivant autour de vous
Pour continuer sur cette idée d’état d’esprit positif, placez votre apprentissage dans un contexte qui lui est propice. Si, personnellement, je suis toujours motivé à l’idée d’apprendre une nouvelle langue, c’est parce que je me suis entouré de personnes qui m’encouragent dans cette activité. Elles me fournissent leurs avis et conseils et essaient souvent de me convaincre de me mettre à leur langue !
Je ne le répéterai jamais assez : ne restez pas isolé avec vos doutes, entourez-vous. Cet environnement positif est un excellent moteur pour garder votre motivation. Mettez-le en place avant même de commencer à apprendre la langue et vous n’aurez plus à vous faire de souci par la suite.
Au-delà de votre cercle social, commencez à préparer votre immersion. La recette ne change pas : regardez des films sous-titrés, écoutez des chansons… Vous ne comprendrez rien ou presque, mais vous commencerez à intégrer la langue dans votre univers personnel. Ce faisant, vous renforcerez votre envie de l’apprendre et mettrez donc en place un cercle vertueux.
Du projet à la réalité : soyez audacieux
Si vous ne deviez retenir qu’un enseignement de cet article, le voici : ne courrez pas après un utopique « bon moment » et veillez plutôt à créer votre « meilleur moment possible », même s’il est imparfait. Il existe évidemment quelques exceptions : si vous êtes en train de préparer une compétition olympique, vous pouvez bien repousser le début de votre projet de quelques semaines.
Si vous ne le faites pas maintenant, vous ne le ferez jamais
Outre ces cas très spéciaux, pourquoi ne pas vous lancer tout simplement… maintenant ? Votre travail de planification ne vous prendra pas très longtemps. N’y passez pas plus d’une semaine, le temps de déterminer une formule qui vous convienne (cours, méthode…) et de faire les démarches qui s’imposent (achat, inscription…). Inutile d’attendre davantage, car passé ce délai, vous retomberez dans la procrastination. La phase de préparation est là pour vous aider, pas pour vous fournir un prétexte pour repousser l’échéance !
Renseignez-vous et demandez conseil
Pour cette préparation, vous pouvez vous inspirer de ce que j’ai fait pour mon apprentissage du japonais : parlez-en avec vos amis polyglottes, consultez des forums ou des groupes sur les réseaux sociaux, regardez si des cours sont disponibles près de chez vous, testez des applications sur votre téléphone, renseignez-vous pour savoir quelle méthode vous conviendrait le mieux et déplacez-vous en librairie si possible. Vous amasserez ainsi une somme de connaissances qui vous permettra de mettre en place l’apprentissage qui vous ressemble.
Un dernier mot sur l’étude des langues étrangères
Pour conclure cet article, je tenais à partager avec vous une réflexion que je me suis faite et qui devrait vous décider à passer à l’action. Contrairement à nombre d’autres projets, apprendre une langue ne représente pas un engagement très « dangereux ». J’entends par là que même si vous échouez, il n’y aura aucune conséquence néfaste sur votre existence.
Vous projetez de vous faire faire un nouveau tatouage ? Il y a en effet de quoi hésiter, car la marque est indélébile. Vous songez à souscrire à un crédit pour vous acheter une nouvelle voiture ? Vous voilà engagé pour plusieurs années de dettes. Vous avez envie de laisser tomber votre travail ennuyant pour créer votre entreprise ? La peur d’y laisser tout votre argent peut faire flancher votre détermination.
Mais apprendre une langue étrangère, franchement, quel est le risque ? Au mieux, vous vous retrouverez avec quelques livres qui attendront sagement dans votre étagère le moment où vous reprendrez courage. Dans le pire des cas, vous aurez gaspillé quelques centaines d’euros dans des cours que vous avez laissés tomber en cours de route. Quoi qu’il en soit, un abandon est toujours une expérience décourageante, mais personne ne viendra saisir votre maison ou vous jeter en prison. Bref, l’apprentissage d’une langue étrangère est une activité sans risque et peu coûteuse, à moins bien sûr d’opter volontairement pour un format onéreux.
Une fois écartée l’illusion du « bon moment », la question que vous devez vous poser est en fin de compte plutôt simple : avez-vous envie d’apprendre une langue étrangère ? Si la réponse est oui, alors allez-y, maintenant.
Source des images : Tinou Bao, Nathan Rupert, Apollo Image Gallery.
Bonjour,
Très bon et intéressant article qui recense les conditions à réunir pour se lancer dans l’apprentissage d’une langue. L’article m’a beaucoup plus car il met le doigt sur les « excuses » que tout un chacun trouve pour ajourner la date de commencer à apprendre une langue.
Merci Salim. Fini les excuses, mettons-nous au travail !
Bonjour Pierre,
Merci pour ton article, qui transmet énormément de bonne énergie, comme d’habitude ! J’ai beaucoup aimé la distinction que tu fais entre : ceux qui abandonnent et ceux qui ne commencent pas une langue. On parle très peu des deuxièmes et ils représentent, à mon sens, les plus difficiles à motiver. Je le vois très bien en espagnol, nombreux sont mes amis qui me disent « je vais me mettre à l’espagnol », « j’aimerais tellement parler espagnol, je m’y mets quand j’aurai fini xxx.. ». Ce sont les plus difficiles à motiver parce qu’ils se cachent sous une bonne excuse, l’action prochaine, la prévision de l’action, pour ne pas se lancer (consciemment ou non d’ailleurs).
Donc, comme je dis à mes amis, il faut se lancer MAINTENANT ! Avec ou sans méthode, avec ou sans le temps, et surtout sans la perfection, simplement maintenant. D’ailleurs, on connaît déjà tous des mots dans la langue qu’on veut apprendre, on a en fait déjà commencé à l’apprendre, on ne se donne juste pas les moyens de continuer.
Bon courage à tous ! 😉