L’apprentissage d’une nouvelle langue est toujours une étape importante dans la vie d’un polyglotte, une sorte de nouveau départ qui vient briser une routine bien établie. C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que je vous fais part de ma décision de me remettre au japonais. J’ai un rapport un peu particulier à cette langue, puisque j’ai déjà tenté de l’apprendre à deux reprises, sans succès. Ce double article sera l’occasion de revenir sur ce qui n’a pas fonctionné et d’établir une feuille de route pour ce troisième essai.
Le risque, lorsque l’on présente une méthode sur Internet, est de tomber dans la narration facile, façon marketing de bas étage. Sur ce blog, cela donnerait : « Avant, j’étais incapable d’apprendre une langue, j’ai tout essayé jusqu’à avoir le déclic magique qui me permet désormais d’en parler plus de vingt-huit sans faire le moindre effort ! »
Je n’aime pas ce procédé, car il met en avant un discours lisse, bien rodé, au lieu d’une réalité peut-être plus ennuyeuse, mais potentiellement riche d’enseignements. C’est pour cette raison que j’ai décidé, dans ce premier article, de vous livrer les raisons qui ont fait que j’ai échoué à apprendre le japonais. Vous pourrez ainsi vous rendre compte que le fait de ne pas arriver à apprendre une langue ne signifie absolument pas que vous en êtes incapable.
Apprendre le japonais : deux tentatives, deux échecs
L’apprentissage du japonais est un projet qui me tient à cœur depuis mon adolescence, mais que je n’ai jamais concrétisé. Après avoir réfléchi sur le sujet, j’ai pensé qu’il pourrait être intéressant de vous présenter mes conclusions : en connaissant les erreurs que j’ai faites, vous éviterez de les répéter à votre tour et augmenterez ainsi vos chances de réussite.
L’auto-apprentissage, risques et périls
A deux reprises, j’ai tenté d’apprendre le japonais en autodidacte. Ne cherchez pas plus loin : c’est ce qui m’a fait échouer. Je n’étais tout simplement pas prêt à travailler seul, ignorant tout des techniques que je vous livre aujourd’hui sur le blog.
Mon premier essai remonte à 2005. Jeune lycéen que j’étais, j’avais décidé d’attaquer cette langue exotique en achetant (un peu au pif) la méthode Banzaï, aux éditions Ellipses. De mémoire, l’ouvrage n’était pas dénué de qualités : textes intéressants, vocabulaire bien mis en évidence, grammaire claire et complète. Cependant, il était insuffisant pour un apprentissage autonome : d’une part il n’était pas accompagné d’un CD audio, d’autre part certains éléments, comme les exercices, n’étaient pas très bien expliqués.
Malgré quelques premiers progrès, j’ai rapidement fini par laisser tomber, ne sachant pas comment poursuivre mon apprentissage.
Mon second essai date de 2010. Cette fois, c’est avec la méthode Assimil que j’avais essayé d’apprendre le japonais. J’impute ce nouvel échec à un énorme manque d’organisation et de motivation. Je n’arrivais pas à établir une routine quotidienne et mes sessions devaient plutôt tourner autour d’une ou deux par semaine. Résultat : à chaque nouvelle leçon, j’avais déjà oublié le vocabulaire appris dans la précédente et je ne progressais pas. J’avais tout de même réussi à m’accrocher jusqu’à terminer le premier tome (les 49 première leçons), mais une fois arrivé au second tome, je ne comprenais plus rien de ce que je lisais. Ma motivation avait naturellement atteint des profondeurs abyssales, me poussant à abandonner une fois de plus mon projet.
Pourquoi je n’ai pas réussi à apprendre le japonais
Retour en 2015. Vous remarquerez d’ailleurs que cinq années séparent chacune de mes tentatives : j’espère ne pas avoir à écrire un nouvel article de ce genre en 2020 ! Avec le recul, je vais tenter d’analyser les raisons de ce double échec. Vous remarquerez qu’elles sont toutes liées entre elles d’une manière ou d’une autre. C’est normal : un bon apprentissage repose sur un équilibre entre plusieurs éléments, qui forment un tout. Négliger ne serait-ce qu’un de ces éléments revient à déséquilibrer l’ensemble.
Notons que ces expériences malheureuses ont toutefois eu un effet très positif, surtout la seconde. Elles m’ont poussé à changer la vision que j’avais de l’apprentissage des langues et à m’interroger sur des problématiques rarement abordées et pourtant essentielles, comme la motivation ou les mécanismes de la mémorisation.
Raison n°1 : une absence totale de planification
A deux reprises, je me suis lancé dans un projet d’apprentissage sans avoir au préalablement défini mes objectifs. Sans but motivant, je me suis vite lassé de cette routine qui consistait à enchaîner les leçons sans trop savoir pourquoi je travaillais.
Si l’apprentissage d’une langue est un plaisir en soi, vous devez définir des objectifs SMART, qui vous donneront un résultat précis au bout d’une durée donnée. Il est également important de trouver une raison d’être à votre projet : vous préparer à un voyage, un examen… Bref, ancrez-le dans votre réalité personnelle.
Raison n°2 : une motivation jamais entretenue
Si, à chaque fois, ma motivation était au beau fixe au début de mon apprentissage, elle s’est peu à peu dégradée par la suite, ce qui n’a rien d’étonnant. J’ai toutefois négligé de l’entretenir en intégrant des éléments plus ludiques à mon apprentissage : films en VO, conversation avec des locuteurs…
Ces éléments sont essentiels, car ils ont une double fonction. D’un côté, ils viennent récompenser vos efforts (vous êtes capable de pratiquer la langue en situation réelle), de l’autre ils complètent votre apprentissage (vous vous exercez à parler, lire, écouter…).
Raison n°3 : un manque d’organisation
Il m’a fallu de nombreuses années avant de parvenir à m’organiser correctement et travailler régulièrement. Croyez-moi, ce n’est pas venu tout seul ! J’avais également tendance à mal gérer mon temps et à réviser au tout dernier moment, quand je ne cédais pas carrément aux sirènes de la procrastination.
Prendre de bonnes habitudes n’est jamais facile, je vous recommande donc de vous lancer un défi si vous n’y arrivez pas : c’est une technique motivante et très efficace.
Raison n°4 : un apprentissage trop passif
J’ai pris la peine d’apprendre très tôt les kana, soit les deux syllabaires japonais. Je reviendrai dessus dans le prochain article. En revanche, j’ai attendu beaucoup trop longtemps avant d’attaquer les kanji, c’est-à-dire les caractères chinois. Je me suis donc privé de la possibilité d’écrire le japonais et donc de m’exprimer par ce biais.
Du côté de l’oral, j’ai pris la peine d’écouter et de répéter les dialogues de la méthode Assimil : mon accent n’était donc pas mauvais. En revanche, je n’ai pas cherché à parler le japonais avec des locuteurs de la langue.
Mon apprentissage a été très passif, donc peu motivant : une langue est faite pour être utilisée, pas gardée pour soi !
Raison n°5 : un environnement peu immersif
L’immersion est un sujet souvent mal compris, auquel je consacrerai prochainement un article. Il n’est pas nécessaire de partir vivre dans un pays pour être immergé dans sa langue : on peut très bien créer une immersion de qualité sans quitter sa chambre !
Dans le cas du japonais, je n’ai pas cherché cette immersion et me suis contenté de mes seules leçons. Ce n’est bien entendu pas suffisant. Il est nécessaire d’avoir des contacts aussi nombreux que variés avec la langue : films, chansons, livres, conversations, applis et logiciels, jeux…
Jamais deux sans trois : cette fois, je parlerai japonais !
S’il vous est déjà arrivé d’abandonner l’étude d’une langue, n’ayez pas peur de faire ce travail d’analyse : il n’est pas forcément très agréable, mais vous permettra d’apprendre de vos erreurs et de ne plus les reproduire par la suite.
De mon côté, j’ai donc décidé de recommencer à apprendre le japonais en mettant toutes les chances de mon côté. Dans le prochain article, je vous expliquerai plus précisément comment je compte m’y prendre et quels outils j’utiliserai.
Apprenons le japonais ensemble
J’ai choisi de rendre mon apprentissage public pour que vous puissiez voir ma méthode en action. Si ma feuille de route vous plaît, n’hésitez pas à la reprendre en l’adaptant à vos goûts et vos besoins : c’est fait pour ! Le but recherché est justement de vous motiver à votre tour à apprendre une langue étrangère, qu’il s’agisse du japonais ou d’une autre.
De plus, j’ai jugé que ce serait une excellente occasion de confronter mon programme d’apprentissage à des personnes parlant déjà le japonais : si vous avez des commentaires, suggestions et critiques, ils sont les bienvenus. L’idée est tout simplement d’améliorer ma méthode grâce à vos conseils !
Si vous souhaitez découvrir la méthode que j’utilise, il vous suffit de télécharger le guide que j’ai écrit sur le sujet, via le lien ci-dessous. Il vous permettra d’apprendre plus efficacement la langue étrangère de votre choix.
Crédit images : www.karlocamero.com, tokyoform, Yasunari Yakamura.
Bon courage pour cette nouvelle aventure!
Merci pour tes encouragements ! Ton site est intéressant, soit dit en passant.
Merci pour le compliement! 😉
Ah, excellent, étant moi-même en plein de dedans, je serai dans l’obligation de suivre ce que ça va donner.
Le japonais, c’est comme le finnois, c’est simple: prononciation facile (avec relativement peu de phonèmes), pas de genre (ni même de nombre), peu de temps grammaticaux (pas de futur non plus) et une grammaire globalement régulière.
Après, au niveau des galères, outre le fait que la façon de penser japonaise est complètement différente de la française, c’est bien sûr l’écriture, et le vocabulaire en général qui ne se devine pas.
Si tu te rappelles des kanas, c’est parfait, je pense que c’est un truc à maîtriser très vite. Par contre les kanjis, franchement c’est la galère. J’ai toujours été très à l’aise avec les écritures, mais là, même moi je le sens passer. Ma première erreur avait été d’essayer de les apprendre en listes, à la fois en lecture et en écriture. C’est très démotivant parce que, si on ne les utilise pas tout de suite, on les oublie, et on a l’impression d’avoir perdu son temps. Je pense qu’il vaut mieux commencer par apprendre à les reconnaître, puisqu’au final, si on écrit avec des hiraganas quand on ne connaît pas un kanji, personne ne nous en voudra. Par contre, quand c’est écrit en kanji, si on ne sait pas lire, on est coincé…
Du coup, ce que je fais, c’est que je lis beaucoup, des livres jeunesse et des mangas, dont les kanjis sont (le plus souvent) accompagnés de furigana qui permettent de savoir comment les prononcer. Et mine de rien, à force de les voir, complètement intégrés dans un texte logique (et pas dans une liste à la c…), on fini non seulement par les retenir, mais aussi par repérer certains motifs qui les composent, ce qui est très pratique pour en retenir d’autres.
Voilà pour me premier petit conseil. J’attends la suite de l’aventure avec impatience 😉
Salut Antoine, content que le concept te plaise !
Je suis d’accord avec toi concernant la grammaire et la syntaxe en japonais. Ce n’est pas très compliqué, mais il faut revoir totalement la manière dont on pense la phrase. C’est assez déroutant au début.
Les kana, ça devrait aller. Je vais devoir les réviser sérieusement, mais ça reviendra vite. Merci pour tes conseils concernant les kanji.
Comme toi, je pense que le bourrage de crâne à base de listes n’est pas très efficace. Comme je l’explique dans le guide « Les Quatre Piliers », on mémorise beaucoup mieux en apprenant un mot puis en le replaçant dans des contextes variés (en l’utilisant dans une conversation, en l’entendant dans un film…). On appelle ça « l’apprentissage en spirale » 😉
Salut Pierre,
Étudier seul est très difficile, si tu n’a pas de professeur, essaye de te trouver un correspondant japonais et garder le contact en japonais, c’est très motivant pour apprendre des expressions et les kanji petit à petit.
J’utilisais le site mixi lorsque j’étais étudiant pour converser avec les japonais.
Merci pour le conseil !
Minna san konnichiwa !
Effectivement, quand on commence le japonais, on se dit que finalement c’est assez facile, sauf quand on commence à aborder les degrés de politesse, et puis ce qui n’est pas toujours évident c’est l’utilisation des verbes donner et recevoir et raisonner en « j’ai fait pour lui, il a fait pour moi, etc.).
Mais bien sûr LA difficulté du japonais reste bien sûr son écriture (et sa lecture) si complexe. Chaque kanji ayant en général 2 ou 3 prononciations (et parfois plus !). Alors bien sûr il y a les règles de lecture, le coup du Onyomi et du Kunyomi, sauf qu’une fois qu’on a assimilé la règle, on s’aperçoit que ce sont les exceptions qui finalement forment la règle… Et quand on croit savoir comment prononcer un mot, pas de chance on tombe à nouveau sur une exception. Sans compter certains mots qui peuvent se prononcer de deux façons différentes et avoir un sens différent…
Alors présenté comme ça, ça peut paraître difficile, mais rassurez-vous, ça l’est vraiment 😉
Alors si vous aimez les kanji, mais que leur prononciation vous rebute, mettez vous au chinois, ce sera plus simple, sauf si vous êtes allergiques au langues à tons…
Pour ceux qui possèdent déjà un petit niveau de japonais, je vous conseille le magazine « Hiragana Times », c’est un magazine bilingue japonais/anglais (ça vous fera potasser votre anglais en plus), et tous les kanji possèdent les furigana pour la prononciation.
Bon courage à toutes et à tous.
Ganbatte nasai !
C’est vrai que les degrés de politesse peuvent être un sacré casse-tête : quand on tombe sur un verbe, on ne peut pas immédiatement deviner toutes les formes qu’il prendra (par exemple : iku, ikimasu, auquel on peut ajouter irassharu, irasshaimasu).
Quant aux lectures des kanji, je ne m’encombre pas encore l’esprit avec, j’apprends déjà à les reconnaître avec la méthode « Les kanji dans la tête ». Ça me permet déjà de repérer leur prononciation dans des mots différents que je sais prononcer, comme 生活 (seikatsu) et 先生 (sensei), où je déduis que « sei » est l’une des lectures possibles du kanji 生.
Je me trompe sans doute, mais j’ai l’impression que dans l’enseignement français du japonais, on a trop tendance à partir de la règle sans avoir préalablement identifié le besoin (l’approche traditionnelle, peu efficace), alors que je préfère faire l’inverse : attendre d’avoir besoin d’une règle pour l’apprendre. Quand j’aurai besoin de connaître les différentes prononciations de chaque kanji, je m’attaquerai aux lectures on et kun, mais pour le moment, j’ai déjà assez de pain sur la planche !
Dans mon cas, j’applique un peu la même méthode que toi, Pierre : d’abord j’apprends à écrire et à reconnaître les kanjis avec Les kanjis dans le tête (j’approche doucement de la fin…) et j’aviserai pour la suite, mais je pense que j’apprendrais les lectures avec le vocabulaire. En effet, ça me paraît plus concret et simple de procéder à partir de mots complets que d’apprendre individuellement chaque lecture de façon rébarbative… à moins d’avoir un réel besoin de connaitre chaque lecture d’un caractère.