Vous reprendrez bien un peu de langues européennes ? Récapitulons : dans une première partie, nous avons abordé les nombreuses langues indo-européennes présentes sur notre continent, à savoir les langues romanes et germaniques, puis dans une deuxième partie, les langues balto-slaves, celtiques et autres membres du groupe indo-européen.
A présent, quittons les langues indo-européennes pour nous concentrer sur les rares langues n’appartenant pas à ce groupe.
Les langues ouraliennes
Les langues ouraliennes constituent une famille à part regroupant quelques 25 millions de locuteurs. Elles n’ont pas la même origine que les langues indo-européennes et seraient apparues sur les rives de la Volga, près de l’Oural, chaîne de montagne marquant la limite orientale de l’Europe.
La famille ouralienne est divisée en deux catégories, les langues samoyèdes et finno-ougriennes.
Les langues samoyèdes
Ces langues sont parlées sur le territoire russe, des deux côtés de l’Oural. Parmi les langues samoyèdes, on trouve un groupe méridional, où seule la langue selkoupe a survécu, ainsi qu’un groupe septentrional, plus vivace. Trois peuples samoyèdes du nord, les Enètses, les Nénètses et les Nganassans, possèdent chacun leur langue, déclinée en plusieurs dialectes.
Prises ensemble, les langues samoyèdes ne dépassent pas les 30 000 locuteurs, le nénètse dit « de la toundra » en regroupant l’écrasante majorité.
Les langues finno-ougriennes
Plus proches de nous, les langues finno-ougriennes comprennent plus particulièrement le hongrois, le finnois et l’estonien, soit les trois Etats souverains finno-ougriens et 80% des locuteurs de langues ouraliennes.
Les langues sames
Elles sont parlées en Laponie, soit dans quatre pays : la Norvège, la Suède, la Finlande et la Russie, dans les régions les plus nordiques d’Europe. Les Sames, anciennement appelés Lapons, peuvent être vus comme les plus anciens occupants de la péninsule scandinave.
La langue same la plus importante est le same du nord, partagé entre la Norvège, la Suède et la Finlande.
Les langues fenniques
Avec plus de 5 millions de locuteurs, le finnois est la principale langue de la branche fennique. Il est bien sûr parlé en Finlande, mais aussi sous forme de dialectes dans plusieurs pays d’Europe du Nord (Suède, Norvège, Estonie).
Très proche du finnois, le carélien est parlé en République de Carélie, au nord-ouest de la Russie, et dans quelques autres régions voisines. La Russie renferme en outre quelques langues fenniques minoritaires, comme le vepse, le vote et l’ingrien.
L’estonien est l’autre grande langue fennique. Bien que l’Estonie fasse partie des pays baltes (pour rappel : avec la Lettonie et la Lituanie), les Estoniens ne parlent pas une langue balte mais bien une langue finno-ougrienne.
Finissons avec le live, langue en voie de disparition possédant encore quelques locuteurs en Lettonie.
Les langues permiennes
Cette branche des langues finno-ougriennes comprend le komi et l’oudmourte, parlées respectivement au nord et au sud de la partie occidentale de l’Oural.
Pour l’anecdote, l’oudmourte a reçu un peu de visibilité lors de l’Eurovision 2012, où le groupe représentant la Russie, Buranovskie Babuški, de sympathiques grands-mères oudmourtes chantant en partie dans leur langue natale, ont réussi à décrocher la seconde place lors de la finale.
Autres langues dites « finno-volgaïques »
Au sud de l’Oural sont également parlés le mari, avec ses deux variantes, le mari des montagnes et le mari des prairies, ainsi que les langues mordves. Anciennement considéré comme une langue unique, le mordve comprend en fait deux langues distinctes, l’erzya et le mokcha.
Les langues ougriennes
Ce groupe est constitué de deux branches, extrêmement éloignées l’une de l’autre. La première, plus connue, est le hongrois, bien sûr parlé en Hongrie, mais aussi dans les pays limitrophes, avec une forte minorité en Roumanie. Le hongrois regroupe à lui seul la moitié des locuteurs de langues finno-ougriennes.
Les autres langues ougriennes sont parlées en Sibérie (soit en dehors d’Europe, nous frôlons le hors-sujet !) et se nomment khanty et mansi.
Les langues turques
Un sujet délicat, vu les controverses qui entourent l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne. Toujours est-il qu’Istanbul et une partie de la Turquie se trouvent en Europe, il aurait été injuste de ne pas mentionner le turc dans ce dossier. Il est également parlé sur la partie nord de l’île de Chypre.
De la même manière, on inclut généralement l’extrémité nord-ouest du Kazakhstan dans l’Europe orientale, pays où l’on parle une autre langue turque, le kazakh.
D’autres langues turques sont parlées en Europe, à l’image du tatar de Crimée, dans le sud de l’Ukraine, le tatar parlé dans la République russe du Tatarstan, ou encore le bachkir en Bachkirie.
On considère parfois l’Azerbaïdjan comme un pays dont une partie se trouve en Europe. Sachez dans ce cas que l’azéri, la langue nationale, fait partie de la famille turque.
Les langues caucasiennes
Encore une fois, nous nous trouvons aux frontières géographiques du continent européen. Certains pays du Caucase sont donc parfois considérés comme européens, présentons donc quelques langues locales. Le groupe caucasien est un ensemble à part, ni indo-européen, ni turc.
Il existe trois branches caucasiennes :
- Les langues abkhazo-adygiennes au nord-ouest : elles sont parlées dans le sud de la Russie et dans une partie de la Géorgie, notamment en Abkhazie, région ayant des velléités indépendantistes (abkhaze).
- Les langues nakho-daghestaniennes au nord-est : elles sont toutes parlées dans le sud de la Russie. La plus connue est le tchétchène.
- Les langues kartvéliennes au sud : elles sont parlées de la Géorgie à la Turquie. Côté européen, on trouve le géorgien, le mingrélien et le svane.
Le maltais
Le maltais présente une spécificité unique, celle d’être l’unique langue sémitique d’Europe. Il descend de l’arabe parlé par les conquérants de la Sicile au IXe siècle, auquel se sont ajoutées des couches successives de sicilien et d’italien.
Le basque
Ah, le basque ! S’il est une langue qui passionne et rend fou les linguistiques, c’est bien celle-là. Le basque représente un isolat linguistique, à savoir une langue isolée, dont les origines n’ont à ce jour pas été découvertes. Il y aurait matière à remplir un article entier avec les différentes théories sur les origines du basque, nous ne nous aventurerons donc pas sur ce terrain épineux.
Le basque est parlé sur la façade atlantique, de part et d’autre de la frontière franco-espagnole. Il jouit de nos jours d’une grande vitalité, surtout côté espagnol, où il dispose du statut de langue officielle.
Conclusion
Nous arrivons au terme de ce long voyage à travers l’Europe et ses langues. J’espère en tout cas ne pas vous avoir perdu en cours de route ! A mes yeux, voici ce qu’il est important de retenir de cet inventaire des langues d’Europe :
- L’Europe abrite une multitude de langues issues des principales familles eurasiatiques : langues indo-européennes, finno-ougrienne, turques, caucasiennes, sémitiques, plus ce drôle d’oiseau qu’est le basque.
- Les frontières linguistiques sont loin de correspondre aux frontières nationales. Même en France, pays qui ne reconnaît qu’une seule langue officielle, se mêlent langue d’oc, langue d’oïl, franco-provençal, breton, basque, allemand à l’est et flamand au nord. A notre époque de repli identitaire sur tout le continent, il serait bon de rappeler tout ce que nous partageons et à quel point nos cultures sont liées.
Un dernier mot pour finir : il est aurait été impossible de dresser un inventaire exhaustif de toutes les langues présentes sur notre continent. Si, à votre avis, l’une d’entre elles a été injustement oubliée, n’hésitez pas à nous en parler plus longuement dans les commentaires.
Partie 1 : les langues romanes et germaniques
Partie 2 : les autres langues indo-européennes
Crédit photo : tomaradze sur Flickr.