L’anglais est l’une des langues qu’il est le plus facile d’apprendre pour les francophones, grâce à un lexique en grande partie issu du latin et du français. Il est donc aisé de mémoriser rapidement des centaines de mots parfaitement transparents. Cependant, il convient d’être prudent face à certains termes très proches du français, mais qui présentent un sens différent. Voyons ensemble quels sont ces faux-amis et les tournures correctes à employer à la place.
Un peu d’histoire : l’anglais au Moyen-Age
Si vous lisez le blog depuis quelques temps, vous savez sans doute que l’anglais est une langue germanique issue du sous-groupe anglo-frison de la branche occidentale. Si ce que je viens de dire vous a semblé barbare, cet article sur les langues d’Europe devrait vous rafraîchir la mémoire.
Quand le français a conquis l’Angleterre
Au Ve siècle, l’île de Bretagne est habitée par des peuples parlant des langues celtiques. Parmi eux, les Britto-romains ont adopté les coutumes romaines, mais ont conservé leur langue, le brittonique. Puis, après le retrait en 410 des dernières troupes de l’Empire Romain, sont arrivés des migrants germaniques venus du continent : les Frisons, les Jutes, les Angles et les Saxons (d’où le terme « anglo-saxon »). Ces peuples germaniques prennent peu à peu l’ascendant sur les Britto-romains et imposent leur langue, le vieil anglais. A partir du VIIe siècle, les Anglo-Saxons se convertissent au christianisme : le vieil anglais reçoit donc des influences du latin, parlé par le clergé de l’époque.
Puis, à partir de la toute fin du VIIe siècle, des Vikings norvégiens et danois colonisent l’île de Bretagne et y forment leurs propres royaumes. Le vieil anglais s’enrichit alors de vocabulaire issu du vieux norrois, la langue parlée par les Vikings.
L’année 1066 marque un tournant majeur dans l’histoire de l’Angleterre, alors qu’éclate une crise de succession qui oppose trois rivaux : Harald III de Norvège, Harold Godwinson, dernier roi anglo-saxon d’Angleterre et Guillaume le Bâtard, duc de Normandie. Le 25 septembre, Harald III meurt lors de la bataille de Stamford Bridge, remportée par les Anglo-Saxons d’Harold. Le 14 octobre, c’est Harold qui meurt lors de la bataille d’Hastings. Les Normands se rendent alors maîtres du royaume et Guillaume, devenu « le Conquérant » (plus classe que « le Bâtard », non ?), est sacré roi d’Angleterre le 25 décembre 1066. Cet événement marque donc non seulement la fin de l’ère viking (avec la mort d’Harald III de Norvège), mais aussi la fin de l’ère anglo-saxonne (avec la mort d’Harold Godwinson).
L’élite anglo-saxonne est alors presque complètement remplacée par une élite normande, qui parle le latin et surtout le normand, une langue d’oïl, donc française.
Un vocabulaire très latin
Du XIe jusqu’au XIVe siècle, la langue de l’aristocratie anglaise, appelée par la suite l’anglo-normand, influence fortement la langue alors parlée par le peuple, le moyen anglais. De plus, le français du continent s’impose à la cour d’Angleterre comme une grande langue de culture. La noblesse anglaise parle donc autant l’anglo-normand que le français continental, même après l’annexion de la Normandie au royaume de France par le roi Philippe II Auguste, en 1204.
Le déclenchement de la guerre de Cent Ans en 1337 pousse l’aristocratie à se détourner du français et à préférer le moyen anglais. L’influence du français en Angleterre restera néanmoins très forte durant de nombreux siècles et ne commencera à décliner qu’après la Révolution française.
L’anglais, une langue pas si étrangère
Si l’anglais reste une langue germanique, on considère qu’environ 30 % du vocabulaire anglais provient directement du français et 60 % d’une langue latine (principalement du latin et du français). Dans ces conditions, vous vous rendez compte que l’anglais est une langue qu’il est très facile d’apprendre, car des milliers de mots sont exactement les mêmes d’une langue à l’autre. D’après l’American Association of Teachers of French, un anglophone n’ayant jamais étudié le français en connaîtrait sans le savoir plus de 15 000 mots. Je pense qu’on peut raisonnablement étendre ce raisonnement aux francophones.
Si vous souhaitez vous mettre à l’anglais mais avez peur de ne pas savoir par où commencer, cette nouvelle devrait vous mettre du baume au cœur : entre les mots récemment passés en français (week-end, football…) et cet immense vocabulaire commun, vous connaissez déjà de nombreux mots anglais. Bien sûr, il vous faudra apprendre à les prononcer à l’anglaise, ce qui vous prendra un certain temps, mais une grande partie du travail est déjà faite !
Une équivalence imparfaite
Il ne faut pas perdre de vue que nos deux langues, bien que cousines, ont évolué séparément pendant des siècles. Certains termes ont donc eu le temps de changer de sens, en anglais comme en français. Prenez garde à ces faux-amis, mots presque identiques mais n’ayant pas tout à fait la même signification.
Pour vous aider à y voir plus clair, j’ai sélectionné quelques-uns des faux-amis les plus fréquents en anglais. J’indiquerai pour chacun d’eux leur signification et le terme à utiliser à la place.
Quelques faux-amis en anglais
Actually
Sens anglais : en fait, en réalité, vraiment, réellement.
Contrairement à une croyance répandue, l’adverbe actually ne signifie pas « actuellement », de la même manière qu’actual ne veut pas dire « actuel ».
Si on se base sur l’étymologie, les deux mots viennent du latin actus (« acte » ou encore « ce qui est fait »). Le français s’attache donc à la valeur temporelle de la racine latine (« ce qui est en train d’être fait »), tandis que l’anglais apporte une sorte de confirmation (« ce qui est vraiment fait »).
Terme correct pour traduire « actuellement » : currently.
Deception
Sens anglais : tromperie, supercherie.
Il m’est déjà arrivé de trouver le verbe « décevoir » en français dans le sens de « tromper »… dans un texte du XVIIe siècle. A vous de voir si vous voulez colorer vos phrases d’une touche d’archaïsme !
Le verbe latin decipere signifie bien « tromper » (deceive en anglais), sens que l’anglais a conservé. Le français, quant à lui voit plutôt une déception comme le résultat d’attentes qui ont été trompées.
Terme correct pour traduire « déception » : disappointment.
Eventually
Sens anglais : à la fin, enfin, au bout d’un moment.
A noter que l’adverbe « finalement » possède une légère connotation négative (« Finalement, je suis reparti. »), je déconseillerais donc son usage dans ce cas.
C’est un peu le même principe que précédemment. Eventually ne signifie pas « éventuellement ». Ici, c’est l’anglais qui attache au mot une valeur temporelle et évoque ce qui se passe à la fin d’un événement. En français, l’éventualité est une situation dans laquelle un événement peut ou non se produire.
Terme correct pour traduire « éventuellement » : possibly. Sinon, il est possible d’utiliser une tournure avec might (I might do something tonight.) pour exprimer la situation d’incertitude.
Novel
Sens anglais : le terme novel ne signifie pas « nouvelle » mais « roman » !
Si en français une nouvelle désigne une courte histoire d’une centaine de pages maximum, en anglais, novel est bien un roman.
Terme correct pour traduire « nouvelle » : short story, voire novella.
Anglicismes et faux-amis inversés
On voit de plus en plus souvent des mots français utilisés dans un sens uniquement propre à leur équivalent en anglais. Ce phénomène touche particulièrement les Français qui lisent ou écoutent beaucoup d’anglais et qui, par réflexe, traduisent mot à mot les expressions qu’ils ont apprises en anglais. Les Canadiens francophones, qui vivent dans un environnement fortement influencé par la langue anglaise, ont eux aussi tendance à développer de nombreux anglicismes.
Alternative
Sens anglais et traduction correcte : solution de rechange / de remplacement, autre scénario.
La différence entre le français et l’anglais est subtile mais bien réelle. En anglais, l’alternative est une solution de rechange, une sorte de « seconde voie ». En français, en revanche, l’alternative est le choix entre deux solutions possible.
Digital
Sens anglais et traduction correcte : numérique.
Celui-ci, servi à toutes les sauces, a le don de m’énerver. La confusion provient d’une mauvaise compréhension de l’adjectif anglais digital, qui vient de digit (chiffre). En français, « digital » se rapporte aux doigts, comme pour les empreintes digitales. Si les nouvelles technologies tactiles font bien appel au toucher (et aux traces de doigts), cet emploi du mot français « digital » est donc erroné.
Initiate
Sens anglais et traduction correcte : commencer, démarrer, lancer quelque chose.
On voit de plus en plus apparaître des phrases du style : « le maire a initié un projet ». En français, on peut initier une personne à quelque chose, mais sûrement pas initier un projet. Le verbe latin initiare a bien ce sens de « commencer quelque chose », que l’anglais a conservé, mais pas le français moderne.
Opportunity
Sens anglais et traduction correcte : occasion, possibilité, chance, perspective.
Le mot français « opportunité » n’a pas tout à fait la même portée qu’opportunity en anglais. L’opportunité est le caractère de ce qui est opportun, donc à propos ou bien propice. On parle par exemple de l’opportunité d’un projet en se demandant s’il est opportun, donc s’il convient aux circonstances actuelles.
Sens français, sens anglais : ne vous emmêlez pas les pinceaux !
Il existe de nombreux autres faux-amis (support, versatile…), mais ceux que j’ai cités sont parmi les plus fréquents. S’il est très facile d’apprendre du vocabulaire transparent et immédiatement compréhensible, veillez à toujours vérifier le sens d’un mot en anglais, même s’il ressemble fortement à un mot français : vous pourriez avoir des surprises !
Un petit bonus pour terminer : Monsieur s’abrège en « M. » et non en « Mr. », qui vient de l’anglais mister et est donc réservé à l’anglais.
Crédit images : Wikipédia.
Merci pour cet excellent billet des plus utiles Pierre !
Comme d’habitude, j’aime bien y mettre mon grain de sel… 🙂
J’aurais bien vu un paragraphe sur les mots franglais, que les français ajoutent à notre langue mais qui, malheureusement, ne correspondent pas au sens anglais ! « Fr un parking » n’existe pas sous cette forme en anglais ! « Fr staff » ne respecte pas la signification anglaise (pour nous c’est plutôt l’équipe de direction) !!!
Bien que rencontré sous la forme Mr. l’abréviation classique est Mr (sans point) surtout en anglais britannique.
Mr vient de Master plutôt que de Mister même si la prononciation est bien « mister » (« Master » est parfois utilisé dans les écoles britanniques pour s’adresser un étudiant).
Je découvre chaque jour des mots anglais qui ont une origine française un peu cachée, je veux dire qu’il m’a fallu des années pour repérer l’origine.
Ainsi, pendant longtemps, « country » était pour moi le mot anglais pour traduire « pays » et rien de plus (je ne voyais aucun lien). Oui mais… un mot français fréquemment utilisé dans les récits historiques est bien « contrée(s) » non ? Ca se ressemble ça !
Ainsi, aujourd’hui encore j’ai levé le sourcil en lisant la traduction française, par une amie autralienne, du verbe « advise » et elle avait utilisé « aviser »… mais bon sens c’est bien sûr ! « to advise » a un éventail de significations et « aviser » est l’une d’elles ; je n’avais jamais repéré cette ressemblance.
Il y aurait énormément de choses à dire sur le franglais et les anglicismes en général, ce sera sans doute pour une prochaine fois.
Ensuite, effectivement, de nombreux mots passés en français ne correspondent plus vraiment à leur sens anglais d’origine. Le phénomène reste cependant assez courant, je pense notamment à certaines étrangetés d’origine française et utilisées par les anglophones, comme double entendre ou maître d’.
Bonsoir Pierre,
Je redécouvre ce billet suite à une « remontée » sur Facebook aujourd’hui, je ne m’en souvenais pas… n’as-tu pas ajouté quelques paragraphes ?
Je trouve toujours le billet aussi excellant.
Il me semble toutefois manquer des faux-amis très courants dans les conversations et qui entraînent des incompréhensions. Je ne ferai pas une liste exhaustive mais je pense à :
– to annoy – pas du tout « ennuyer » mais plutôt « énerver, agacer »
– to demand – pas « demander » mais plutôt « exiger ».
Je me souviens, dans ma société, d’un cadre non anglophone qui voulait simplement faire remarquer que des Américains d’une filiale n’avaient pas fait ce qu’il leur avait demandé. Ses mots avaient été : « I am annoyed, I just demanded… » ; il voulait dire « Je suis ennuyé, j’ai juste demandé… » ; ce qu’il a dit en fait, n’était pas du tout la même chose, pas le même ton et il y a eu un petit clash (il avait même réussi à placer un troisième faux-amis du même acabit dans sa phrase mais j’ai oublié lequel).
On utilise tous (sauf mamie) des smartphones et tablettes qui sont tactiles, c’est un peu digitale aussi non ?
Pourquoi le français est petit à petit dominé par autres langues? Pour le moment il n’est ni la 4ème langue parlée au monde. Le pays dont le français était leur langue officiele ne l’apprenent plus . je vois le swahili évolue plus mieux que le français . pourquoi ça ? J’aime le français je ne veux pas perdre cette langue je veux qu’elle soit beaucoup parlée au monde comme l’anglais.
Par lupande simukindje congolais du cent. 100% RDCongo